Aller au contenu principal
Étude de décor pour

Étude de décor pour "Le Prélude à l'Après-midi d'un Faune"

Nijinsky, visage de profil, à genoux

Nijinsky, visage de profil, à genoux

Danseuse et Nijinsky

Danseuse et Nijinsky

Étude de décor pour

Étude de décor pour "Le Prélude à l'Après-midi d'un Faune"

Date de création : 1912

Date représentée : 1912

H. : 75 cm

L. : 105 cm

Fusain, gouache et aquarelle sur papier.

Domaine : Dessins

© Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / image Centre Pompidou, MNAM-CCI

Lien vers l'image

JP 939 P - 31-000203-02

L’Après-Midi d’un Faune de Nijinski

Date de publication : Octobre 2010

Auteur : Christophe CORBIER

Nijinski et les Ballets russes

Dans les premières années du XXe siècle, les Ballets russes de Serge de Diaghilev, réunissant des artistes majeurs (Bakst, Fokine, Nijinski, Benois, Stravinski…), rénovent en profondeur l’art de la danse. Chaque saison, le public parisien s’enthousiasme pour le luxe des costumes, la splendeur des décors, la beauté des chorégraphies, la richesse de la musique. Depuis la première soirée organisée par Diaghilev en mai 1909, les amateurs vouent notamment un vrai culte à Vaslav Nijinski (1889-1950), danseur exceptionnel qui, défiant les lois de la pesanteur, s’est fait remarquer par ses bonds extraordinaires. Mais Nijinski a aussi l’intention de réinventer la danse. Le 29 mai 1912, il présente donc au public du Théâtre du Châtelet sa première chorégraphie, L’Après-midi d’un faune, inspiré par le Prélude à l’après-midi d’un faune de Claude Debussy (1894), lui-même composé à partir du poème de Stéphane Mallarmé « L’après-midi d’un faune » (1876).

La saison 1912 des Ballets russes a été marquée par des échecs et des scandales retentissants : Thamar, Le Dieu bleu et Daphnis et Chloé ont été froidement accueillis, mais c’est surtout la chorégraphie de Nijinski qui a suscité l’hostilité d’une partie des spectateurs. En cause, un geste jugé trop érotique lors de la première. L’intrigue, très simple, était suggestive : « Un Faune sommeille. / Des Nymphes le dupent. / Une écharpe oubliée satisfait son rêve. » Nijinski mime alors un orgasme, d’où les réactions indignées du directeur du Figaro, qui sont contrebalancées par l’enthousiasme de Rodin.

Décors, costumes et chorégraphie du Faune

La première image représente la toile de fond conçue par Léon Bakst (1866-1924), principal peintre associé aux Ballets russes. Les deux photographies ont été prises en juin-juillet 1912 par le baron de Meyer (1868-1949), photographe pictorialiste ayant réalisé de nombreux portraits de personnalités célèbres au début du siècle.

Le tableau de Léon Bakst révèle les partis pris de Nijinski : il s’agit d’un paysage bucolique, avec sources, arbres et rochers. En bas à droite, près de la cascade, apparaissent les nymphes, tandis que le faune est allongé au centre sur un tapis de mousse et paraît faire corps avec la nature. Bakst, comme à son habitude, propose une toile aux couleurs riches et chatoyantes, à dominantes jaunes et bleues. Les larges aplats de couleurs évoquent Gauguin et Matisse. Ce décor frappe surtout par l’absence de perspective, impression que renforce l’étroitesse de l’espace (à peine deux mètres) laissé entre la toile et le cadre de scène : les personnages évoluent sur un même plan.

La première photographie du baron de Meyer montre Nijinski en faune, recroquevillé sur lui-même. Son costume, inventé par Bakst, fit sensation à l’époque : les taches noires disséminées sur le maillot collant et sur les bras nus du danseur évoquent l’animalité du faune, de même que ses cornes, sa queue et ses oreilles pointues. Bakst a aussi conçu les costumes, les perruques et le maquillage des nymphes. Comme le montre la seconde photographie, elles portent de vastes péplos à l’antique, ornés de figures géométriques ou de fleurs et de feuilles stylisées. Ce cliché permet de reconnaître la deuxième tête d’affiche du spectacle : Lydia Nelidova, qui joue la nymphe principale.

Ces deux photographies indiquent également les mouvements inventés par Nijinski. Le public avait été surpris par l’absence de toute virtuosité dans sa chorégraphie et par son aspect « cubiste » : les personnages évoluaient de profil dans un espace sans profondeur, et leurs évolutions saccadées suivaient des lignes droites et brisées au lieu des traditionnelles arabesques de la danse classique. Nijinski cherchait à évoquer les danses grecques figurées sur les vases archaïques, où la perspective est sommaire. Enfin, l’importance accordée aux bras, aux mains et au buste par rapport aux jambes constituait une révolution : comme on le voit sur la deuxième photographie, Nijinski veut exprimer la psychologie du faune et celle de la nymphe dans la position de leurs mains et de leurs doigts.

Succès de la chorégraphie de Nijinski

En 1914, Debussy a parlé de « dissonance » entre sa musique et les danses imaginées par Nijinski. Cette déclaration du musicien reflétait une incompréhension assez largement partagée envers une chorégraphie qui, marquant une rupture franche avec les conventions académiques, bouleversa l’art du ballet. Cette incompréhension se fera jour également lors de la création de Jeux, œuvre elle aussi d’une grande nouveauté dont Debussy a composé la musique malgré son scepticisme à l’égard de la danse de Nijinski. Le scandale de 1912 annonce surtout le scandale encore plus grand du Sacre du printemps en 1913, dont Nijinski signa également la chorégraphie. Mais, à la différence de ces deux ballets, la chorégraphie de L’Après-midi d’un faune a bénéficié d’une remarquable longévité depuis sa création en 1912, comme en témoignent les reprises dans les décennies suivantes sur les scènes du monde entier, de Vienne à New York en passant par Berlin et Buenos Aires.

Serge DIATCHENKO, Léon Bakst, Leningrad, Ed. d’art Aurora, 1986.

Jean-Michel NECTOUX (dir.), Nijinsky, « Prélude à L’Après-Midi d’un Faune », Paris, Adam Biro, 1989.

Roland HUESCA, Triomphes et scandales. La Belle Epoque des Ballets russes, Paris, Hermann, 2001.

Pascal CARON, Faunes. Poésie, corps, danse de Mallarmé à Nijinski, Paris, Champion, 2006.

Christophe CORBIER, « L’Après-Midi d’un Faune de Nijinski », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 28/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/apres-midi-faune-nijinski

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Joséphine Baker et la Revue Nègre

Joséphine Baker et la Revue Nègre

Les années folles, antidote à la Grande Guerre

« Roaring Twenties » de Broadway dépeintes par Fitzgerald aux États-Unis, années folles…

Joséphine Baker et la Revue Nègre
Joséphine Baker et la Revue Nègre
Origines du carnaval à la Jamaïque

Origines du carnaval à la Jamaïque

Isaac Mendes Belisario (1795-1849), peintre et graveur d’origine italienne né à Londres, installé en 1830 à Kingston en Jamaïque, alors colonie…

Origines du carnaval à la Jamaïque
Origines du carnaval à la Jamaïque
Origines du carnaval à la Jamaïque
Origines du carnaval à la Jamaïque
Marie Taglioni et l'apogée du ballet romantique

Marie Taglioni et l'apogée du ballet romantique

Marie Taglioni est l’une des personnalités les plus marquantes de l’histoire de la danse et le symbole par excellence du ballet romantique ; son…

La fascination pour le Cambodge au début du XX<sup>e</sup> siècle

La fascination pour le Cambodge au début du XXe siècle

Le Cambodge à l’Exposition coloniale de Marseille

Entre le 15 avril et le 18 novembre 1906 se tient à Marseille, porte de l’Orient, la première…

Les « Années folles »

Les « Années folles »

Montmartre, cœur des années folles

Deux places mythiques de la nuit parisienne ponctuent le boulevard de Clichy, qui sert de déambulatoire à la…

Les « Années folles »
Les « Années folles »
L’Après-Midi d’un Faune de Nijinski

L’Après-Midi d’un Faune de Nijinski

Nijinski et les Ballets russes

Dans les premières années du XXe siècle, les Ballets russes de Serge de Diaghilev, réunissant des…

L’Après-Midi d’un Faune de Nijinski
L’Après-Midi d’un Faune de Nijinski
L’Après-Midi d’un Faune de Nijinski
De la classe à la scène, le ballet de l'Opéra de Paris vu par Edgar Degas

De la classe à la scène, le ballet de l'Opéra de Paris vu par Edgar Degas

Lieu incontournable de la vie culturelle et mondaine de la bonne société parisienne, le théâtre de l’Opéra a successivement occupé trois salles au…

De la classe à la scène, le ballet de l'Opéra de Paris vu par Edgar Degas
De la classe à la scène, le ballet de l'Opéra de Paris vu par Edgar Degas
De la classe à la scène, le ballet de l'Opéra de Paris vu par Edgar Degas
De la classe à la scène, le ballet de l'Opéra de Paris vu par Edgar Degas
La baraque de la Goulue et le bal Bullier

La baraque de la Goulue et le bal Bullier

L’essor des spectacles dans le Paris de la Belle Époque

Sous l’impulsion du baron Haussmann, Paris se transforme en profondeur au cours de la…

La baraque de la Goulue et le bal Bullier
La baraque de la Goulue et le bal Bullier
La baraque de la Goulue et le bal Bullier
Représentations de la danseuse à la barre à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle

Représentations de la danseuse à la barre à la fin du XIXe siècle

Indispensable pour s’échauffer, pour apprendre le bon placement du corps et pour faire travailler correctement les muscles dans les positions qui…

Représentations de la danseuse à la barre à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle
Représentations de la danseuse à la barre à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle
Représentations de la danseuse à la barre à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle
Isadora Duncan entre hellénisme et modernité

Isadora Duncan entre hellénisme et modernité

Renouveler la danse en puisant à ses sources

C’est à Paris, vitrine de toutes les avant-gardes, que se forge le mythe d’Isadora Duncan, chef de…

Isadora Duncan entre hellénisme et modernité
Isadora Duncan entre hellénisme et modernité
Isadora Duncan entre hellénisme et modernité