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Le Siège de Granville

Le Siège de Granville

Date de création : 1794-1795

Date représentée : 14 novembre 1793

H. : 88,5 cm

L. : 117 cm

huile sur toile

Domaine : Peintures

© RMN - Grand Palais / Thierry Le Mage

lien vers l'image

01-016317 / 2002.1

Le siège de Granville pendant la Révolution française

Date de publication : Mars 2019

Auteur : Stéphane BLOND

La Virée de Galerne

En novembre 1793, les contre-révolutionnaires vendéens se retrouvent aux portes de Granville, localité qu’ils assiègent dans le but d’ouvrir un pont avec l’Angleterre et les émigrés qui s’y trouvent.

Depuis le début du mois d’octobre, les Vendéens subissent une série de revers sur leurs terres face aux troupes républicaines de l’armée de l’Ouest. Après le désastre de Cholet, intervenu le 17 octobre 1793, les chefs de l’Armée catholique et royale décident de traverser la Loire, avec une cohorte de « quatre-vingt mille personnes, dont une grande part de femmes, de vieillards et d’enfants, [qui] accomplissent le geste le plus incompréhensible de cette guerre si singulière » (Alain Gérard).

Cette longue colonne entame un périple appelé « Virée de Galerne », sous l’autorité de La Rochejaquelein et Stofflet. L’itinéraire passe par Segré, Château-Gontier, Laval, Mayenne, Fougères et Avranches, avec de nombreux problèmes d’intendance pour subvenir aux besoins de milliers d’individus. L’objectif est d’assiéger puis de s’emparer d’un port sur la Manche, dans le but d’obtenir des secours des Anglais avec lesquels ils entretiennent une correspondance. Les chefs hésitent entre la Bretagne et la Normandie. La ville de Saint-Malo, puissamment défendue, est finalement délaissée au profit de Granville.

Le 13 novembre, les Vendéens atteignent Avranches, une ville qui barre l’entrée de la baie du Mont-Saint-Michel. Le groupe se scinde en deux ensembles : les troupes combattantes se dirigent vers Granville afin d’en faire le siège, alors que les familles s’installent à Avranches.

Ce tableau, peint vers 1795 par Pierre-Étienne Lesueur, connu avec son frère pour une série de représentations révolutionnaires, tente de retranscrire l’atmosphère des combats devant la cité corsaire de la Manche. Le parcours de l’œuvre avant son acquisition en 2001 par le musée de la Révolution française à Vizille n’est pas connu.

Blancs contre Bleus

Les deux camps se partagent le premier plan de la toile, avec les Vendéens sur le tiers gauche et les Républicains sur la droite. La cité est contrôlée par une troupe de cinq mille soldats installés à l’intérieur de la muraille de la vieille ville, un contingent très inférieur aux Vendéens, renforcés par les chouans, soit environ vingt-cinq mille combattants. En plus de ses puissantes fortifications, la ville est naturellement protégée par un vaste promontoire qui offre une position dominante, comme suggéré au dernier plan.

Le siège de la ville est effectué en deux assauts, les 14 et 15 novembre. À chaque fois, les assaillants sont mis en difficulté, car ils ne disposent pas du matériel et des armes nécessaires pour attaquer une telle place forte. Ils se retrouvent sous le feu de l’artillerie, qui est évoquée avec une série de canons et un nuage de fumée qui couvre la majeure partie de l’œuvre. La ville basse est également en proie aux flammes, en particulier la rue des Juifs, qui permet de gagner le rocher et la principale porte d’accès à la forteresse. Quelques soldats accèdent aux remparts, mais aucune percée d’envergure n’est opérée et la démobilisation s’effectue rapidement. S’ajoutent une météo défavorable et les secours anglais qui ne viennent pas : l’échec de la campagne militaire est total !

Granville, acropole de la Convention

L’épisode granvillais est fréquemment représenté, sur toiles ou en gravures. Ici, l’artiste suit clairement un parti pris dans la représentation de l’événement. Granville apparaît à travers une série de symboles qui font de cette cité un exemple dans la défense des libertés républicaines face aux royalistes.

La topographie figurée est totalement fantaisiste, ce qui confirme que l’auteur oriente son message dans un sens, sans connaître les lieux. Granville est érigée en modèle de l’idéal de la Convention nationale, à la manière de la démocratie athénienne. En effet, le peintre agrémente son œuvre d’un décor néoclassique qui n’est pas sans lien avec l’œuvre d’autres artistes comme Jean-Baptiste Regnault ou Jacques Louis David. Le bâtiment représenté au centre du tableau comprend des colonnes et un fronton qui rappellent davantage les propylées de l’Acropole athénienne que l’architecture de la cité normande, malgré la légende « Granville » pour guider le spectateur. Devant cet édifice, un long étendard porte la devise révolutionnaire Liberté ou la mort, en plus d’un drapeau tricolore sur le bâtiment en haut à droite. Il est probable que la commande émane directement de la Convention montagnarde.

La défense de la ville est assurée par les généraux Peyre et Vachot. Le représentant du pouvoir est le conventionnel Jean-Baptiste Le Carpentier, qui est peut-être le personnage représenté au centre du tableau. Appuyé sur une lance, il paraît exhorter une série de figurants, hommes, femmes et enfants, qui incarnent la résistance de la ville. Certains sont représentés à demi nus et vêtus à l’antique. À l’arrière-plan, un blessé est évacué sur une civière. Il peut s’agir de l’officier municipal Jacques Clément-Desmaisons, qui meurt lors des combats.

Au soir du 15 novembre 1793, les troupes vendéennes sont totalement démobilisées et amorcent un vaste mouvement de repli vers Avranches. Une seconde tentative est envisagée vers Cherbourg, mais elle n’est pas suivie. Le 12 décembre, les insurgés sont massacrés au Mans, scellant le triomphe des Blancs sur les Bleus : « Il n’y a plus de Vendée. » En 1795, les chouans tentent à leur tour une percée dans le Cotentin, avec le même résultat…

BERNET Anne, Histoire générale de la Chouannerie, Paris, Perrin, 2007.

GABORY Émile, Les guerres de Vendée, éd. établie par DU BOISROUVRAY Xavier, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2009.

GÉRARD Alain, La Vendée (1789-1793), Seyssel, Champ Vallon, coll. « Époques », 1993.

SINSOILLIEZ Robert, Le siège de Granville : chouans et Vendéens, Saint-Malo, Éditions L’Ancre de Marine, 1991.

Stéphane BLOND, « Le siège de Granville pendant la Révolution française », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 29/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/siege-granville-revolution-francaise

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