Aller au contenu principal
La Partie de loto. Soldats nord-africains au repos

La Partie de loto. Soldats nord-africains au repos

Coloniaux au repos sur la jetée

Coloniaux au repos sur la jetée

La Partie de loto. Soldats nord-africains au repos

La Partie de loto. Soldats nord-africains au repos

Date de création : 1915

Date représentée : 1915

Huile sur toile.

Domaine : Peintures

© Paris - Musée de l'Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Pascal Segrette

Lien vers l'image

15320C ; Eb 944 - 08-527090

Les Troupes coloniales dans la Grande Guerre

Date de publication : mai 2009

Auteur : Alban SUMPF

Les troupes coloniales dans la Grande guerre

« L’armée coloniale » désigne d’abord les soldats chargés de conquérir les colonies puis, assez rapidement, les troupes qui y sont recrutées. Après avoir relevé du ministère de la Marine, elles dépendent à partir de 1900 du ministère de la Guerre et sont réorganisées en infanterie et en artillerie sous le nom de « troupes coloniales ». À la veille de la guerre de 1914-1918, elles se composent des zouaves, des chasseurs d’Afrique, des spahis, des tirailleurs sénégalais, algériens, marocains et tunisiens. Aux côtés des 8 000 000 d’appelés en métropole, 175 000 Algériens, 40 000 Marocains, 80 000 Tunisiens et 180 000 Africains noirs combattront lors du conflit, le plus souvent en Europe, sur le front français ou dans les Balkans. L’arrivée massive de ces hommes en métropole suscita à la fois inquiétude, intérêt et curiosité chez la population : pour beaucoup, c’était la première occasion de voir réellement des Africains.

Le repos des coloniaux

Le premier tableau, La Partie de loto. Soldats nord-africains au repos, 1915, est l’œuvre de Jules-Alfred Hervé-Mathé, paysagiste de l’école dite « postimpressionniste ». Originaire de la Mayenne, il interrompt ses peintures de ports bretons et normands en 1914 pour camper son chevalet sur le front. La toile représente des tirailleurs nord-africains des troupes coloniales, reconnaissables à leur uniforme couleur moutarde et à leur chéchia rouge, qui ont trouvé abri dans une grange à la toiture crevée et aux murs endommagés. Quelques-uns jouent au loto, assis sur des pierres ou accroupis autour du support du jeu. Trois autres, dont l’un a le bras en écharpe, suivent la partie debout, encadrant en quelque sorte les premiers. Un soldat, assis sur la gauche, un morceau de pain à la main, se désintéresse de la partie et fixe, l’air abattu et mélancolique, celui qui, au premier plan, tourne le dos au spectateur. Au second plan, d’autres soldats debout dans la pénombre ou à l’entrée du bâtiment regardent dehors. L’un d’eux, armé, semble monter la garde. Au fond apparaissent des arbres en feuilles (rendus à la manière impressionniste) ainsi que deux soldats qui font un feu.

Le second tableau, Coloniaux au repos sur la jetée, a été peint entre 1914 et 1918 par Henri Achille Zo, artiste basque célèbre pour ses scènes basques et espagnoles. La toile représente, dans un style impressionniste aux traits imprécis et aux touches colorées sans nuance, quatre soldats noirs vêtus d’uniformes des troupes coloniales, qui se reposent sur une jetée dans une atmosphère estivale. L’un deux, en bras de chemise, lave du linge ; le deuxième, manches de chemise et jambes de pantalon relevées, s’apprête à tremper un pied dans l’eau ; le troisième est étendu sur le bois, et le quatrième, assis, regarde l’eau. Au second plan, un pont enjambe le cours d’eau. En arrière-plan apparaissent une embarcation, un drapeau tricolore et, au fond, des bâtiments nichés dans la verdure.

Des soldats et des Français

La guerre est plus proche, plus visible dans la première image que dans la seconde : les uniformes, le fusil tenu par le soldat de garde au second plan, la grange dévastée, le soldat au bras en écharpe et, métaphoriquement, le feu la rappellent. Tout donne ainsi l’impression d’une pause brève et de l’imminence du retour au combat. Les hommes sont certes au repos, et certains parviennent à se concentrer sur le jeu, mais certains regards, mi-noirs mi-perdus, trahissent la lassitude et une certaine détresse. La lumière est d’ailleurs assez faible dans la grange, contrastant avec celle du dehors. Peut-être symbolise-t-elle les sombres pensées et les souffrances muettes des hommes. Le caractère « exotique » de ces soldats, différents des poilus ordinaires, est gommé pour faire place à une approche plus universelle : que peuvent signifier le « repos » et le jeu pour des hommes à la guerre ? Peut-être est-ce parce qu’ils ont combattu « comme les autres » que ces hommes sont d’abord vus ici non comme des coloniaux, mais comme des soldats.

Au contraire, dans la seconde image, la guerre est presque occultée. Les couleurs vives des uniformes distincts (qui de ce fait sont plus des costumes que des uniformes), les membres dénudés, la lumière d’été, l’eau que l’on devine agréable, rappellent plutôt les parties de campagne des bords de Marne. La spécificité du tableau tient alors au fait que ce sont des Noirs qui, comme n’importe quel « métropolitain », goûtent ces plaisirs simples. L’artiste y trouve un motif riche en jeux de contrastes et de couleurs (le bleu de l’uniforme se confondant presque avec le noir de la peau du soldat allongé dans un dégradé nuancé). Mais la présence du drapeau français peut aussi ouvrir une autre piste d’interprétation : ces soldats ont combattu pour la patrie, et ils sont des Français à part entière, appréciant comme les autres une journée au bord de l’eau.

Stéphane AUDOIN-ROUZEAU et Jean-Jacques BECKER (dir.), Encyclopédie de la Grande Guerre 1914-1918, Paris, Bayard, 2004.

Robert HURE, L’armée d’Afrique: 1830-1962, Paris, Charles-Lavauzelle, 1977.

Marc MICHEL, Les Africains et la Grande Guerre. L’appel à l'Afrique (1914-1918), Paris, Karthala, 2003.

Pierre VALLAUD, 14-18, la Première Guerre mondiale, tomes I et II, Paris, Fayard, 2004.

Alban SUMPF, « Les Troupes coloniales dans la Grande Guerre », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 01/05/2024. URL : histoire-image.org/etudes/troupes-coloniales-grande-guerre

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

I Want You for U.S. Army

I Want You for U.S. Army

1917, tournant de la Grande Guerre

Paru en juillet 1916, le dessin I Want You for U.S. Army est recyclé en affiche et largement diffusé pendant…

Le tombeau du maréchal Foch aux Invalides

Le tombeau du maréchal Foch aux Invalides

La patrie en deuil

La mort du maréchal Foch clôt une partie de l’histoire de la Première Guerre mondiale. Disparu le 20 mars 1929, ses…

Les ravages de la guerre 14-18

Les ravages de la guerre 14-18

La guerre de 1914-1918 marque tragiquement l’entrée du monde dans le XXe siècle. Ce fut une guerre mondiale et totale : à des degrés…

Les ravages de la guerre 14-18
Les ravages de la guerre 14-18
Les ravages de la guerre 14-18
Stratagèmes de l’ennemi

Stratagèmes de l’ennemi

Les musulmans dans la guerre

Les militaires allemands qui ont déployé cette banderole devant leur tranchée ont imité un modèle sans doute élaboré…

Emblème de l'escadrille La Fayette

Emblème de l'escadrille La Fayette

Dès 1914, en dépit de la neutralité affichée des Etats-Unis dans le conflit qui oppose les Alliés aux Empires centraux, de nombreux volontaires…
Les monuments aux morts de la Grande Guerre

Les monuments aux morts de la Grande Guerre

La Première Guerre mondiale a fait environ 10 millions de morts dans le monde, et les survivants n’ont eu de cesse de commémorer les disparus. Dès…

Les monuments aux morts de la Grande Guerre
Les monuments aux morts de la Grande Guerre
Rockwell, une légende de l’Escadrille Lafayette

Rockwell, une légende de l’Escadrille Lafayette

Rockwell, une légende de Lafayette

L’escadrille La Fayette, composée de jeunes pilotes américains, combattants volontaires du côté français avant…

Rockwell, une légende de l’Escadrille Lafayette
Rockwell, une légende de l’Escadrille Lafayette
Mémorial de l'Escadrille Lafayette

Mémorial de l'Escadrille Lafayette

L’escadrille La Fayette ou l’esprit de l’alliance franco-américaine

L’unité aéronautique N 124 ou escadrille La Fayette a été créée le 20 avril…

Mémorial de l'Escadrille Lafayette
Mémorial de l'Escadrille Lafayette
Mémorial de l'Escadrille Lafayette
Les troupes américaines vues par Jean Hugo

Les troupes américaines vues par Jean Hugo

La fin de la guerre vue depuis les rangs de l’armée américaine

Affecté en 1917 en Lorraine comme aide de camp et interprète à la première…

Les troupes américaines vues par Jean Hugo
Les troupes américaines vues par Jean Hugo
Les troupes américaines vues par Jean Hugo
Les troupes américaines vues par Jean Hugo
Verdun

Verdun

Alors que la situation militaire de l’Allemagne s’est beaucoup améliorée à la fin de l’année 1915, le général von Falkenhayn décide de « saigner à…