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Usine de fabrication d'armement à Lyon : les tours

Usine de fabrication d'armement à Lyon : les tours

G. Charpentier - Cours de chant de l'oeuvre de Mimi Pinson

G. Charpentier - Cours de chant de l'oeuvre de Mimi Pinson

Usine de fabrication d'armement à Lyon : les tours

Usine de fabrication d'armement à Lyon : les tours

Date de création : 1916

Date représentée : 1916

H. : 75 cm

L. : 154 cm

Huile sur toile.

Domaine : Peintures

© GrandPalaisRmn / Gérard Blot

Lien vers l'image

MNPL 334 - 96-017571

Femmes à l'usine

Date de publication : Juillet 2007

Auteur : Myriam TSIKOUNAS

Dans le second XIXe siècle, avec la généralisation des machines qui exécutent elles-mêmes les travaux de force, le travail féminin s'impose dans les manufactures. Les femmes sont d’abord massivement employées dans les grandes fabriques textiles de Lyon, Lille et Mulhouse... où elles perçoivent un salaire souvent inférieur de moitié à celui des hommes. Comme les congés de maternité n'existent pas, elles besognent jusqu'au dernier moment et reprennent leur tâche le plus rapidement possible après l’accouchement.
Au départ, cette main d’œuvre est déconsidérée. Médecins, économistes, enquêteurs sociaux…tous reprochent à l’ouvrière de ne plus être l'éducatrice de ses enfants et de négliger son foyer, incitant par là même son mari à se réfugier au cabaret. Mais durant la Grande Guerre, dès que les femmes doivent relayer les maris mobilisés, au champ comme à l’usine, spécialement dans les fabriques d’armement, le discours change. Les élites ne condamnent plus le travail féminin mais se préoccupent simplement de la santé des ouvrières et de l’encadrement de leurs loisirs pour les empêcher de verser dans la prostitution, communément appelée « cinquième quart » de la journée.

En 1916, à l'invitation du propriétaire, Lazare Lévy, Édouard Vuillard se rend à Lyon pour peindre, en deux tableaux, l’effort d’armement des Français. La première toile, qui présente une Forge en plan général, s’attache peu aux personnages. La seconde, en revanche, intitulée Les Tours, place sur le devant de la scène plusieurs ouvrières et souligne, par divers procédés artistiques, la pénibilité de leurs tâches. Les femmes, habillées du même marron que les machines colossales, font corps avec l’atelier et le fouillis des rouages qui semblent les happer. Elles se fondent dans cet espace, encombré de poulies, de câbles et de courroies géantes qui les frôlent dangereusement. L’employée, qui se tient debout au premier plan, est penchée sur sa machine infatigable, sa bouche ouverte exprime le bâillement et rappelle que la durée de travail dépassait fréquemment les dix heures, à laquelle s’ajoutaient, pour les mères de famille, le temps consacré aux enfants et aux files d'attente interminables pour obtenir à peine de quoi manger et se chauffer.

Et pourtant, comme l’atteste sur une photographie anonyme la lampe électrique allumée et l’obscurité par delà les fenêtres, les ouvrières, exténuées, prenaient volontiers, le soir, des cours de chant. Et cette activité culturelle les métamorphosait : souriantes et concentrées sur le pianiste, coiffées d’élégants chapeaux et bien vêtues de couleurs sombres, elles se détachaient alors nettement du décor, de la grande salle blanche et dépouillée.

Dès les années 1840, plusieurs grands patrons français, tels ceux de la société industrielle de Mulhouse, des forges du Creusot et de Fourchambault, mettent tout en œuvre pour améliorer le sort de leurs ouvrières et préserver leur moralité : ils les incitent à épargner une part de leur salaire qu'elles toucheront avec les intérêts accumulés, quand elles quitteront la fabrique pour se marier ; ils luttent conte la malnutrition en créant des restaurants pour jeunes filles qui servent une nourriture équilibrée ; ils créent des bibliothèques, des théâtres et des conservatoires dans les cités qu’ils ont édifiées.
Ce mouvement, successivement qualifié de « patronage » et de « paternalisme » trahit une mauvaise conscience des élites. Le patron, sorte de suzerain des temps modernes, se veut le père de ses ouvrières ; il exerce sur elles une tutelle à la fois forte et bienveillante pour les faire échapper au déterminisme de la misère. Persuadé qu’il leur doit plus qu’un salaire, il leur offre une protection sociale, sans intervention de l’État, et des loisirs sains, pensant que l’art, et la musique en particulier, sont des liens sociaux majeurs.
Mais le patronage est aussi et avant tout une stratégie de recrutement et d’organisation du travail. Le dirigeant vise, en proposant à son personnel une vie décente, des activités sportives et culturelles, à pallier le déficit chronique de main-d'œuvre, à attirer, former puis retenir des populations jugées instables, à attacher l’ouvrière et sa famille à la manufacture.

Jules MICHELET La Femme Paris, Hachette, 1859, 327 p.(rééd Flammarion, coll. « Champs », 1981, 364 p).

Paul LEROY-BEAULIEU Le Travail des femmes au XIXe siècle Paris, Charpentier, 1873, 222 p.

Jules SIMON L'Ouvrière Paris, Hachette, 1861, 368 p. (rééd Gérard Monfort, 1977, 444 p.).

Françoise BATTAGLIOLA Histoire du travail des femmes Paris, La Découverte, « coll. Repères », 2000.

Sophie-Anne LETERRIER « Musique populaire et musique savante au XIXe siècle. Du "peuple" au "public" », Aspects de la production culturelle au XIXe siècle, formes, rythmes, usages Revue d'histoire du XIXe siècle, n° 19, 1999.

Myriam TSIKOUNAS, « Femmes à l'usine », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 18/05/2024. URL : histoire-image.org/etudes/femmes-usine

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